La force du lien formateur – formé

Quand on est formateur, on est régulièrement touché, émotionnellement, lors de nos sessions de formation. Vous êtes vous déjà demandé si en tant que professionnel, vous aviez une limite à ne pas dépasser ? Vous vous êtes peut-être également dit qu’il fallait avant tout vous préserver, et ne pas vous investir affectivement dans votre métier.

Que l’on soit d’un côté ou de l’autre, que l’on ait la casquette de formateur, ou la casquette d’apprenant, l’étape de la formation n’est pas uniquement une étape d’apprentissage métier, ou de développement de compétences. Comme j’aime à le dire, le formateur apprend autant que son apprenant. Cette étape de la formation est pour moi une étape de partage de connaissances, mais ça ne s’arrête pas là. L’axe émotionnel tient une place clé dans ce challenge.

Ce que vit l’apprenant

J’ai la chance d’avoir eu, en peu de temps, ces 2 casquettes. En septembre 2018, je commençais ma formation de formateur. Je me souviens très bien de la vague émotionnelle qui m’avait submergée, des incertitudes, des doutes, des innombrables questions que je m’étais posées, des envies, de la joie, de la peur, du besoin de réussir.

Aujourd’hui, j’observe avec une grande attention mes formés, parce qu’on est tous différents, parce qu’on a tous une façon de réagir différente, parce qu’on a tous une approche différente. Ce qui nous relie, c’est cette incertitude, ces doutes.

La première étape est celle de la découverte. Certains vont être plutôt timides et introvertis, alors que d’autres vont essayer de « planter le décor », en montrant la meilleure ou la pire version d’eux-mêmes. On demande à un individu d’apprivoiser un groupe, d’apprivoiser un meneur de groupe, tout en générant du rendement. Vous vous imaginez, 3 notions nouvelles à intégrer, pour les plus chanceux en une semaine d’intégration, et pour les autres en une journée, voire demi-journée. Il y a de quoi être déboussolé !

Ensuite, vient l’étape du doute. Il peut intervenir à différents moments, être récurrent, être plus ou moins fort, et concerner plusieurs sujets, allant du « mais qu’est-ce que je fais là ? », au « je ne me sens pas à la hauteur », ou encore « est-ce que c’est vraiment ce que je veux faire ? ». Ces périodes de doutes sont, à mon sens, le meilleur moment pour l’introspection. Se poser de bonnes questions pour avancer, dans son projet.

Une fois ce doute évincé, la confiance refait surface, et on fonce ! Les différentes étapes que traverse l’apprenant l’aident à se construire, à mûrir son projet, à développer son assurance et à augmenter sa confiance. Ainsi, il gagne en stabilité, en fiabilité, et est plus enclin à s’ouvrir aux autres. Un certain équilibre se crée. Et c’est à partir de cet instant que les liens peuvent se créer. Que ce soit les liens que l’apprenant tisse avec son formateur, ou les liens qu’il crée avec ses collègues, ce n’est qu’à l’instant où il comprend qu’il n’est pas seul, et qu’il peut avancer en toute confiance, qu’il s’autorisera à s’ouvrir aux autres.

D’un point de vue cognitif, vous n’êtes pas sans savoir qu’un apprenant aura une meilleure mémorisation si les conditions d’apprentissage sont bonnes. Se sentir bien dans un groupe est à mon sens, une des principales conditions à obtenir ! Et ce travail ne peut pas se faire seul, il est de notre devoir de formateur de tout mettre en place pour que ses apprenants aient envie de venir en formation, qu’ils aient hâte de s’investir dans de nouveaux projets, de collaborer avec de nouvelles équipes de travail, d’échanger, d’argumenter, de découvrir.

Ce que moi, je vis

Alors, bien évidemment, il y a une barrière professionnelle au métier de formateur, comme dans tout métier d’ailleurs, qu’il faut respecter. Cependant, je me sens heureuse lorsque mes apprenants réussissent, lorsqu’ils sont fiers d’eux et du travail qu’ils ont fait, et en contre partie il m’arrive régulièrement d’avoir des difficultés à trouver le sommeil le soir en pensant à eux, et aux difficultés qu’ils rencontrent ! On dit souvent qu’il ne faut pas amener son travail à la maison, et inversement, garder ses problèmes personnels chez soi. C’est une belle utopie, pour ma part, j’en suis incapable ! Les deux sont intiment liés, d’où l’importance d’avoir une vie personnelle qui vous apporte du bonheur, et un métier dans lequel vous vous sentez épanoui.

Généralement, j’anime des formations de deux, voire trois mois. Cela laisse le temps de tisser des liens avec les individualités de mes groupes. Je vois mon métier comme de l’accompagnement. Qu’il s’agisse d’un accompagnement vers la réussite, ou d’un accompagnement vers l’échec, je me place comme un guide, j’essaie de montrer la voix à qui veut bien l’emprunter, d’être là en appui, en soutien, d’offrir une écoute de qualité, et de poser les questions qui permettent d’avancer dans la réflexion. Je m’investis, en tant que professionnelle, mais aussi en tant que personne, avec mes qualités, mes défauts, et je ne vois pas comment je pourrais faire autrement.

Je vais vous raconter brièvement l’histoire de Fabien. Il a fait partie du premier groupe d’apprenants que j’ai eu, pour de la bureautique, et plus précisément une formation de préparation au passage du PCIE. La journée d’intégration a été vécue par lui comme une journée de torture et d’ennuie, il n’avait pas envie de participer aux différents ateliers que je proposais, pas envie de faire partie du groupe, et a passé la journée bras croisés à souffler et à montrer son agacement, son mécontentement. Nous nous étions déjà rencontrés au cours de son écap, et de sa validation de projet. Fabien avait, depuis plusieurs années, l’envie de devenir infographiste, cependant, malgré sa motivation et sa détermination, il n’avait pas réussi à mener son projet à terme. Il avait donc décidé de faire une croix sur ce qui lui tenait à cœur. Moi pas, et j’ai pris la décision de croire en lui. Nous avons passé 2 mois et demi très intenses, à chercher comment avancer dans ce domaine, quelles étaient les voix possibles pour lui, à axer ses stages en ce sens, et à placer ses pions pour qu’il y parvienne. Mon rôle a été de l’accompagner dans ses démarches, de l’encourager, de lui montrer par des faits l’étendue de son potentiel, et je l’ai énormément sollicité pour des projets collaboratifs au cours desquels il s’est avéré être un leader. Il a obtenu son PCIE, sans grand mal, et s’est réinscrit à la fin de la formation comme demandeur d’emploi. Pendant le confinement, il m’a appelée, pour m’informer qu’il avait obtenu le financement de sa formation d’infographiste, et qu’il commençait les cours en distanciel. Il a réussi. Il a gagné son pari. Il s’est donné les moyens de faire ce dont il rêvait. Son parcours n’a pas été facile, mais il m’a remercié d’avoir cru en lui, et de l’avoir aidé à se dire que c’était possible. Et voilà, c’est là que je vois mon métier. Je ne lui ai pas juste appris à faire un publipostage, ou un tableau croisé dynamique, je l’ai accompagné.

En conclusion

On ne peut pas accompagner quelqu’un sans faire appel à son intelligence émotionnelle, sans faire appel à ses sentiments, ses ressentis, ses intuitions. C’est en cela que je pense que mon métier n’est pas uniquement un passage de connaissance, de théories et de pratiques, mais qu’il faut bien utiliser nos émotions pour apporter le maximum à nos apprenants.

Mais encore ?

Blog d’une formatrice, c’est aussi Bouge ta formation ! De la formation pour formateurs, coach, animateur.

Soyez curieux !

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est MicrosoftTeams-image-8.png.

7 Comments

  1. Karine Souchal

    Je suis formatrice et je partage tellement votre vision de notre rôle.
    Merci pour cet article en forme de témoignage.
    Belle continuation à vous et vos apprenants.

    Répondre
    1. Céline Gournay

      Bonjour Karine, merci beaucoup pour votre marque de sympathie, je suis ravie de voir que beaucoup de formateurs partagent mon point de vue. Je vous souhaite également une bonne continuation, et une pleine réussite dans vos projets ! Au plaisir

      Répondre
  2. Ade

    Merci pour cette article. J’ai une vision similaire du métier.

    Répondre
  3. Line-Marie

    Merci pour ce beau partage! Et je partage totalement votre manière très humaniste de décrire la fonction de « formateur »! Belle continuation!!!

    Répondre
  4. Luttique

    Merci pour cet article, l’humain doit rester au centre des dispositifs de formation.

    Répondre
  5. Nathalie L.

    Bonjour Céline,
    Je viens de vous lire votre blog et ce que vous écrivez me parle énormément. Car c’est comme cela que je conçois le métier de Formatrice.
    Je viens moi même d’obtenir mon DUFA en juin et je suis actuellement a la recherche d’information pour avoir le statut d’auto-entrepreneur.
    Tous les conseils sont les bienvenus.
    Bonne continuation à vous.

    Répondre
  6. Karima

    Cet article m’a fait sourire et remonté le temps. J’ai passé la formation FPA et pû accompagner des apprentis dans leur projet professionnel. Mes 2 casquettes formatrice et apprenants m’ont tellement appris et chamboulé. C’était une grande aventure même si je l’avoue la première semaine en tant qu’apprenante j’ai voulu prendre mes jambes à mon cou. Cela m’a aidé à comprendre les doutes, incertitudes et manque de confiance de certains apprenants et de mieux les écouter tout en les valorisant. Donc merci pour cette vision qui m’a tellement parlé.

    Répondre

Répondre à Karima Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *